Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/272

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perdre le reſpect qu’elle devoit à Herſilée, qu’elle n’y conſentoit pas. Enfin le Prince ſe retira, & je me retiray auſſi, dés qu’il fut à ſon Apartement.

Ce fut lors qu’apres avoir repaſſé en ma memoire, tout ce qui m’eſtoit arrivé ce jour là, je me trouvay plus de malheur que de bonne fortune, l’eſtois veritablement ravi, de ce que le Portrait que j’avois, n’eſtoit pas un Portrait donné : & de ce que je pouvois preſques dire alors qu’il eſtoit à moy, & le regarder ſans en faire plus un ſi grand ſecret. Mais auſſi j’eſtois tres affligé, de ne pouvoir plus douter que mon meilleur Amy, & mon plus mortel ennemy ne fuſſent mes Rivaux. Car je connoiſſois bien que Theanor ne m’avoit voulu perſuader que ce Portrait avoit eſté donné à celuy qui l’avoit perdu, que pour me faire changer de deſſein : & je ne pouvois pas ignorer, veû la façon dont Timeſias avoit agi, qu’il ne fuſt encore tres amoureux d’Alcidamie. Apres, venant à me ſouvenir de l’attention avec laquelle Polycrate avoit regardé ce Portrait : comment au lieu de prendre mon parti, en parlant à Alcidamie il avoit pris le ſien : & comment il luy avoit parlé bas, & ry diverſes fois d’intelligence avec elle. Venant, dis-je, à me ſouvenir de toutes ces petites choſes, je m’imaginay que peut-eſtre ce Prince en eſtoit il amoureux : de ſorte que je trouvay, à parler ſincerement, que je n’eſtois gueres moins jaloux de mon Maiſtre, que de mon Amy & de mon Ennemy. J’euſſe pourtant eu cette conſolation, ſi j’euſſe sçeu la prendre en ce temps là, que je ne croyois pas fortement qu’Alcidamie aimaſt ni Polycrate, ni Theanor, ni Timeſias : mais je l’aprehendois de telle ſorte, que l’on peut dire que la crainte que j’en avois me tourmentoit plus, que ſi j’euſſe sçeu avec