ame que l’amitié. Theanor ſouffrit ce diſcours ſans y reſpondre aigrement : tant parce qu’il vouloit ne rompre pas aveque moy, que parce qu’il ſentoit bien qu’il avoit tort de me vouloir tromper comme il faiſoit. Cependant nous nous ſeparasmes de cette ſorte : il me laiſſa un peu moins jaloux de luy, mais beaucoup plus de Polycrate : qui tout aimable qu’il eſtoit, me devint inſuporable : tant il eſt vray que la jalouſie change les objets.
Apres que Theanor fut ſorty, je fus chez Alcidamie, où je trouvay Timeſias, qu’Acaſte y avoit mené pour taſcher de luy perſuader qu’elle l’avoit accuſé à tort d’avoir dérobé ſa Peinture : & quoy qu’Alcidamie ne le vouluſt point croire, neantmoins ſa Parente la preſſa tant de ſouffrir qu’il euſt l’honneur de la voir à l’avenir, qu’enfin elle le luy permit. De ſorte que lors que j’arrivay chez elle, Timeſias qui eſtoit preſt d’en ſortir, la remercioit de la grace qu’elle luy accordoit : Comme j’oüis les dernieres paroles de ſon compliment, je compris aiſément ce que c’eſtoit : & j’en eus un ſi grand chagrin, que toute la Compagnie s’en aperçeut. Apres qu’il fut ſorti, Alcidamie ſe tournant vers moy, c’eſt vous, dit elle, que Timeſias devroit remercier, de la permiſſion que je luy accorde de me revoir : puis que ſans voſtre querelle j’aurois touſjours creû qu’il avoit pris mon Portrait, & ne la luy aurois jamais donnée. Si c’eſt l’intention, luy dis-je, qui donne le prix aux bons offices, Timeſias ne doit point me rendre grace de celuy là ; car je n’ay pas eu deſſein de le ſervir. Un moment apres Polycrate arriva, ſuivi de Theanor, & de beaucoup d’autres, & meſme de Timeſias, qui voulant promptement profiter de la permiſſion qu’il avoit obtenuë, r’entra dans la