encore à noſtre ſecond retour. Je ne m’eſtonne donc plus, dis-je à Theanor, ſi Polycrate vouloit que je rendiſſe le Portrait d’Alcidamie : & alors je luy contay, pour ſatisfaire ſa curioſité à ſon tour, comment ce Prince c’eſtoit obſtiné à vouloir que je remiſſe cette Peinture entre les mains d’Alcidamie : comment il luy avoit parlé bas, & ry d’intelligence avec elle, durant qu’elle me la demandoit opiniaſtrément. Enfin je luy dis avec beaucoup d’exactitude, toutes les petites obſervations que j’avois faites, qui me paroiſſoient alors de ſi grandes preuves de l’amour de Polycrate, par la preocupation que j’avois dans l’eſprit, que je n’en doutois point du tout. Pour Theanor qui n’eſtoit pas ſi ſusceptible de jalouſie que moy, & qui sçavoit mieux les choſes que je ne les sçavois : il fut ravi d’aprendre que je ne sçavois rien qui le peuſt inquieter. Mais, luy dis-je, Theanor, à quoy vous reſolvez vous ? à vaincre ma paſſion (me dit il, croyant que je ſuivrois l’exemple qu’il me donnoit) car apres tout, pourſuivit il, eſtre Rival de ſon Souverain, eſt une trop eſtrange choſe. Je ſuis fort aiſe de voſtre ſagesse, luy dis-je, & je ne m’eſtimeray pas tout à fait malheureux, ſi mon Ami ceſſe an moins d’eſtre mon Rival. Eſtant Eſtranger comme vous eſtes, repliqua t’il, vous vous expoſez à quelque faſcheuse avanture, d’aimer en meſme lieu que Polycrate, à qui vous avez de l’obligation : eſtant ſon Rival comme vous eſtes, luy dis-je à demi en colere, vous prenez bien du ſoin à luy en vouloir oſter un : & il me ſemble toutefois, pourſuivis-je, que ſi vous aviez à ſervir un Amant d’Alcidamie, ce devoit plus toſt eſtre moy qu’aucun autre : ſi ce n’eſt que l’ambition puiſſe plus ſur voſtre
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