Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/282

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la rendre aujourd’huy, dit Alcidamie. Si j’eſtois aſſuré que vous me la donnaſſiez demain, luy repliquay-je, je vous la rendrois ſans doute : mais je ſuis trop malheureux pour me priver d’un bien que je poſſede, par l’eſperance d’un plus grand, que peut-eſtre vous ne m’accorderiez pas. En ſuitte Meneclide teſmoigna avoir de la jalouſie, de ce que j’avois un Portrait d’Alcidamie, & de ce qu’elle n’en avoit point : & meſme de ce qu’elle n’en pouvoit pas avoir ſi toſt : car le ſeul Peintre qui faiſoit bien des Portraits à Samos, eſtoit allé à Epheſe. Cette agreable conteſtation alla ſi avant entre ces deux belles Perſonnes, qu’Alcidamie, pour appaiſer Meneclide luy donna un Cachet d’Emeraude admirablement beau, où le Chiffre de ſon Nom eſtoit gravé, qu’elle portoit ce jour là attaché au bras, avec un ruban de couleur de feu. Le preſent eſtoit ſi magnifique, pour la beauté de l’Eſmeraude, & pour celle du travail, qui eſtoit du fameux Theodore, que Meneclide ne le voulut point recevoir, qu’à condition qu’elle prendroit un Bracelet qu’elle portoit alors, dont les fermoirs eſtoient de Rubis, avec un tres beau Diamant au milieu. Ainſi cét eſchange s’eſtant fait en ma preſence, j’eus encore la hardieſſe de dire, que je preferois la Peinture d’Alcidamie à l’un & à l’autre de ces preſens magnifiques. Ce n’eſt pas que Theanor, pour continuer ſa feinte, ne me fiſt ſigne que je ne devois pas me declarer ſi fort devant Polycrate : mais je n’eſtois pas Maiſtre de ma paſſion, & il faloit que du moins ma jalouſie fuſt ſoulagée, par les marques d’amour que je donnois devant mes Rivaux. Cependant je vous diray, pour n’abuſer pas de voſtre patience, que le huictieſme jour eſtant arrivé, auquel Alcidamie ne devoit