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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/283

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plus ſouffrir que je luy parlaſſe comme eſtant amoureux d’elle : je luy en parlay ſi long temps, & ſi ſerieusement, qu’elle connut bien qu’elle n’avoit qu’à ſe preparer à une longue perſecution. Tout ce que je luy avois dit juſques là, pouvoit eſtre expliqué à ſimple galanterie : mais il n’en alla pas ainſi de cette converſation : car il me fut impoſſible de ne luy paroiſtre pas jaloux, dés que je luy parus amoureux : & je penſe meſme que je ſongeay bien plus à la conjurer de n’aimer point mes Rivaux, qu’à la prier de ſouffrir que je l’aimaſſe. Depuis cela je veſcus touſjours avec un chagrin qui avoit quelqueſfois des redoublemens eſtranges : ce n’eſt pas, ſi je l’oſe dire, que je ne trouvaſſe quelque apparence de bonté pour moy dans le cœur d’Alcidamie, mais je ne m’y pouvois fier : & je penſe qu’à moins que de demeurer ſeul avec elle dans une Iſle inhabitée, & où n’abordaſt meſme jamais aucun Vaiſſeau, je n’aurois pas creû eſtre en ſeureté de mes Rivaux. J’eſtois dons tres malheureux : car il faloit malgré moy, que je viſſe Polycrate tous les jours ; que je ſouffrisse la veuë des viſites de Theanor, qui ne pût à la fin ſi bien cacher ſes ſentimens, que je ne connuſſe qu’il eſtoit touſjours plus amoureux d’Alcidamie : & il faloit auſſi que pour n’eſtre pas contraint de quitter Samos, je ſouffrisse encore Timeſias, qui eſtoit mon ennemy mortel. A dire le vray, quiconque n’a pas eſprouvé ces trois ſortes de jalouſies, ne connoiſt pas ce qu’eſt veritablement la jalouſie : la mienne n’en demeura pourtant pas encore là : car vous sçaurez qu’il y avoit alors dans la Cour un homme d’aſſez baſſe condition, qui avoit meſme eſté Eſclave chez le Philoſophe Xanthus, du temps que le fameux Eſope l’eſtoit auſſi : &