Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/284

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qui fut affranchi le jour que cét illuſtre Autheur de ces belles Fables qui ſont ſi celebres, le fut par leur commun Maiſtre. L’humeur agreable & divertiſſante de cét homme, l’avoit introduit dans la Cour, & luy avoit acquis la liberté de railler impunément de tout le monde : comme je vous ay dit qu’Alcidamie ſouffroit meſme ceux qui l’importunoient, il vous eſt aiſé de penſer qu’elle ne chaſſoit pas ceux qui la divertiſſoient. De ſorte que cét ancien Amy d’Eſope, qui ſe nommoit Hiparche, eſtoit continuellement chez elle. Or comme il sçavoit les nouvelles de toute la Cour, & qu’il les contoit agreablement ; il avoit touſjours quelque choſe à luy dire en ſecret, & elle avoit auſſi touſjours quelque choſe à luy demander en particulier : ſi bien qu’il n’y avoit point de jour que je ne les viſſe parler bas enſemble, & rire bien ſouvent, ſans que je puſſe jamais sçavoir de quoy c’eſtoit. Tant y a que je vis tant de fois ce que je dis, que malgré ma jalouſie pour Theanor, pour Timeſias, & pour Polycrate, je fus encore jaloux d’Hiparche : qui eſtoit autant au deſſous de moy, que le Prince Polycrate eſtoit alors au deſſus. Cette eſpece de jalouſie m’incommoda meſme plus que les autres parce qu’elle me portoit quelqueſfois juſques à avoir du mépris pour Alcidamie. Pour moy je sçay bien que depuis ce temps là, Hiparche ne me fit point rite, quelques plaiſantes choſes qu’il dit : & je connus certainement, qu’il n’eſt pas poſſible d’eſtre jamais bon Bouffon pour ſon Rival.

Je vivois donc de cette ſorte, lors que Polycrate (qui effectivement eſtoit amoureux de Meneclide, quoy qu’il ne le teſmoignast pas ouvertement, par quelque raiſon d’Eſtat, qui vouloit qu’il le diſſimulast pour un