Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/289

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moy, je ne m’oppoſeray jamais à tout ce qui vous ſera avantageux : & je trouve en effet que Meneclide a rendu le Cachet que je luy ay donné ſi precieux qu’elle l’a porté ; que vous avez raiſon de le vouloir conſerver. Si le Prince interrompit Meneclide, eſt de mon advis, il ne le conſiderera que de la meſme façon que je le conſidere : c’eſt à dire, parce qu’il vient de vous. Enfin apres avoir bi ? conteſté, Meneclide conf Stit à demy que Polycrate portaſt le reſte du jour ſon Chachet : de ſorte que ſe l’attachant au bras, il ſembloit eſtre auſſi glorieux que s’il euſt fait une grande conqueſte. En effet il en eſtoit auſſi aiſe, que j’en eſtois affligé : car de la façon dont je croyois voir la choſe, il me ſembloit que ce Cachet n’avoit eſté donné à Meneclide, qu’afin qu’il fuſt donné à Policrate. Je creus meſme que Meneclide l’avoit détaché, & laiſſé tomber exprés : & je m’imaginay alors tout ce qui me pouvoit affliger.

Apres que l’on eut pris tout le plaiſir que la Peſche peut donner : que l’on eut veû à diverſes fois, tirer les Filets ſi chargez de poiſſons bondiſſans qu’ils en rompoient, & redonné la liberté à ces beaux priſonniers, que l’on ne prenoit que pour le ſeul divertiſſement de les prendre, & pour voir leurs bonds, & leurs belles eſcailles d’argent : que l’on eut, dis-je, veû pluſieurs Dorades ſe prendre aux Lignes que tenoient les Dames : il y eut en chaque Galeotte une Colation magnifique, & une Muſique agreable. En ſuitte de quoy le Soleil ne pouvant plus incommoder les Dames on leva les Tentes : & cette illuſtre Compagnie joüit avec ſatisfaction du plus beau ſoir qui fut jamais. Toutes les Dames avoient levé leurs voiles : leur beauté eſtoit en ſon