Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/291

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quand il fut sçeu tout le monde prit part au déplaiſir que le Prince avoit, d’avoir cauſé cette perte à Meneclide : ainſi je fus le ſeul qui m’en reſjoüis, & qui fus ravi qu’il ne joüiſt pas d’une choſe qui avoit eſté à Alcidamie : car je n’avois point compris qu’il le vouluſt rendre, lors qu’il l’avoit laiſſé tomber. Voila, diſoit il, cét heureux Polycrate, qui commence d’eſprouver la mauvaiſe fortune d’une maniere aſſez eſtrange : puis qu’enfin, pourſuivit il, le premier malheur qui m’arrive, eſt un malheur ſans remede. Mais plus il paroiſſoit affligé, plus il m’affligeoit : & plus la jalouſie s’augmentoit dans mon ame. L’Ambaſſadeur d’Egipte pour le conſoler, ſouhaitoit qu’il ne luy arrivaſt jamais de plus grandes infortunes : & tant que le reſte du jour dura, ſoit dans la Galeotte, ſoit dans le Palais apres noſtre retour, l’on ne parla d’autre choſe. Le lendemain au matin je sçeus par Theanor, qui me le dit malicieuſement pour m’affliger, que Polycrate, pour reparer la perte que Meneclide avoit faite, avoit envoyé dés le ſoir deux autres Cachets de Diamants à Alcidamie les plus beaux du monde : la ſuppliant d’en vouloir garder un, & de donner l’autre à Meneclide : afin que du moins elle peuſt avoir en celuy là, ce qu’elle eſtimoit le plus en celuy qu’il luy avoit perdu : c’eſt à dire quelque choſe qui euſt eu l’honneur d’eſtre à elle. Cette galanterie penſa encore me deſesperer : & quoy que j’apriſſe preſques en meſme temps, par un autre que par Theanor, qu’Alcidamie avoit fait grande difficulté d’accepter ce qu’on luy avoit envoyé ; & qu’il avoit falu que Polycrate employaſt l’authorité de la Princeſſe ſa Sœur pour le luy faire prendre ; je n’en eſtois pas moins jaloux.