Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/293

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doute l’avoit englouty, à l’inſtant qu’il eſtoit tombé dans l’eau. J’eſtois alors aſſez prés de Polycrate : de ſorte que je pus remarquer aiſément, quelle agreable ſurprise fut la ſienne, d’apprendre une avanture ſi prodigieuſe : & de revoir en ſa puiſſance, une choſe qu’il avoit cruë abſolument perduë. En effet ce bonheur eſtoit ſi extraordinaire, que quand Polycrate n’euſt point eſté amoureux, il en auroit touſjours eu de la joye : mais comme il l’eſtoit infiniment de Meneclide, & qu’il fut ravy de luy pouvoir rendre une choſe qui luy eſtoit tres chere : il teſmoigna la ſienne avec tant d’excés, que j’en fus plus jaloux que je n’avois encore eſté ; m’imaginant touſjours que tout ce que je luy voyois faire, eſtoit fait pour Alcidamie. Il fit donner à cét Officier qui luy avoit rendu le Cachet, de quoy l’enrichir pour toute ſa vie : il redoubla encore ſa liberalité au Peſcheur qui luy avoit preſenté le poiſſon : & me choiſissant malheureuſement pour moy entre les autres, croyant me faire grace : il m’ordonna d’aller porter cette agreable nouvelle à Alcidamie & à Meneclide, en attendant qu’il peuſt les voir. Cependant toute la Cour admiroit cette merveilleuſe advanture, & ne pouvoit ſe laſſer d’en parler : apres cela (diſoit l’Ambaſſadeur d’Egipte parlant à Polycrate) vous pouvez deffier la Fortune : car enfin que vous ayez laiſſé tomber dans la Mer un Cachet, que le plus beau de ſes Poiſſons ait pris : que ce meſme Poiſſon ſe ſoit laiſſé prendre à un Peſcheur aſſez raiſonnable pour vous en faire un preſent : & qu’en ſuitte il ſe ſoit trouvé un Officier aſſez fidelle pour vous rendre une choſe ſi precieuſe, eſt un bonheur ſi grand, qu’il en eſt preſque incroyable : & qu’il vous doit perſuader, que vous ſerez touſjours