Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/294

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heureux. Si cela eſt ainſi, reſpondit civilement Polycrate, vous devez vous en reſjoüir, comme d’une choſe qui vous marque la proſperité du Roy voſtre Maiſtre, puis que je ne m’eſtimerois pas heureux s’il ne l’eſtoit point. Cependant je fus m’aquitter de ma commiſſion malgré moy : mais ce fut d’une façon qui fit bien connoiſtre à Alcidamie & à Meneclide que je trouvay enſemble, que j’avois l’eſprit fort troublé. Je trouvay encore pour m’affliger davantage, qu’Hiparche, qui n’avoit pas eſté à la chaſſe, eſtoit avec elles : & que Timeſias & Theanor, qui nous avoient quittez dés la porte de la Ville, y eſtoient deſja. Je leur fis donc ce recit d’une maniere, qui donna un juſte ſujet à la raillerie d’Hiparche : car voyant avec quelle melancolie je leur aportois une nouvelle de joye & de plaiſir : il leur dit cent choſes malicieuſes pour moy, & plaiſantes pour elles : & ſi Meneclide n’euſt adroitement deſtourné la converſation, mon chagrin auroit peut-eſtre eſclatté, plus que je n’euſſe voulu. Apres cela, il falut aller rendre conte à Polycrate, de ce que ces Dames m’avoient dit : mais quoy qu’elles m’euſſent chargé l’une & l’autre de cent civilitez pour luy, je les paſſay toutes legerement : & je luy dis ſeulement en peu de mots, que Meneclide eſtoit fort aiſe de pouvoir eſperer qu’elle auroit bientoſt ſon Cachet. Polycrate eſtoit alors entré dans ſon Cabinet ſans y eſtre ſuivy de perſonne : de ſorte qu’y eſtant ſeul aveques luy, apres avoir eſté quelque temps ſans parler, il me demanda tout de nouvau, avec une curioſité extréme, ce qu’avoient preciſément dit Meneclide & Alcidamie ? Et quoy que je ne luy répondiſſe pas trop à propos, il me faiſoit touſjours demandes ſur demandes, &