Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/334

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point, faſſe que le Roy d’Armenie le tienne priſonnier dans ce Chaſteau. Toutes ces reflexions n’agiterent pourtant pas longtemps ſon eſprit : & l’eſperance preſque certaine qu’il avoit de delivrer Mandane, fit qu’il abandonna ſon ame à la joye. Il parlemente donc avec le Capitaine du Chaſteau : il luy promet tout ce qu’il veut, pourveu qu’il luy rende promptement la Princeſſe qu’il garde : & ce Capitaine luy obeïſſant, & ſe fiant à la parole d’un Prince qui la gardoit inviolablement à ſes plus mortels Ennemis, ouvre les Portes, & laiſſe entrer Cyrus dans le Chaſteau, ſuivy d’autant de monde qu’il voulut, faiſant poſer les armes au peu de Garniſon qu’il y avoit. D’abord que Cyrus fut dans la baſſe court de ce Chaſteau : où eſt la Princeſſe ? dit il à ce Capitaine : la voicy Seigneur (repliqua t’il, en luy monſtrant à ſa droite un Perron, où en effet il vit deux Femmes qui venoient vers luy ; la premiere eſtant ſoustenuë par un Eſcuyer qui luy aidoit à marcher) ſon imagination n’eſtant remplie que de Mandane : il fut vers cette Dame avec precipitation : pour luy eſpargner quelques pas : mais en s’en aprochant, cette perſonne ayant levé ſon voile, & s’eſtant arreſtée un moment, comme eſtant fort ſurprise de la veuë de Cyrus : il vit ſans doute un des plus beaux objets du monde ; mais le plus deſagreable pour luy en cét inſtant, puis qu’il connut que cette Perſonne n’eſtoit pas ſa Princeſſe. Il ſe tourna donc vers ce Capitaine, comme pour l’accuſer de l’avoir trompé : mais cette belle Perſonne s’eſtant aprochée le viſage un peu eſmeû ; Seigneur, luy dit elle, le Roy de Pont mon Frere fut ſi bien traitté de vous, lors qu’il fut voſtre priſonnier, que j’ay lieu d’eſperer de l’eſtre auſſi favorablement