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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/338

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demeura ſeul dans ſa Chambre avec Feraulas. Et bien (luy dit il avec une melancolie extréme) que dittes vous de ma fortune ? & ne faut il pas avoüer que je ſuis le plus malheureux Prince du monde ? le penſois Seigneur, repliqua Feraulas, que c’eſtoit aux vaincus à ſe plaindre, & aux Vainqueurs à ſe reſjoüir : non non, dit il, Feraulas, la gloire n’eſt plus la plus forte dans mon cœur : & quand j’aurois défait cette multitude d’Ennemis que je n’ay fait que regarder, je ſerois auſſi melancolique que je le ſuis, Je ne cherche preſentement ny à faire des conqueſtes, ny à aquerir de la reputation : je cherche Mandane ſeulement : & puis que je ne la trouve point, je ſuis plus malheureux que ſe j’avois eſté vaincu. Araſpe ne mentoit pas, pourſuivit il, quand il diſoit qu’il y avoit une perſonne de qualité en ce Chaſteau : qu’elle eſtoit belle, blonde, blanche, & de bonne mine : mais helas, que cette Princeſſe toute admirablement belle qu’elle eſt, me donne peu de ſatisfaction par ſa veuë ! Je trouve pourtant Seigneur, interrompit Feraulas, que c’eſt toujours quel que choſe, que d’avoir en vos mains une Sœur du Roy de Pont : & une Perſonne de laquelle j’ay oüy dire beaucoup de bien, quand nous eſtions à la guerre de Bithinie : De ſorte qu’il y a apparence que cela tiendra ce Prince en quelque crainte. Ha Feraulas, reſpondit il en ſoupirant, quelque chere que luy puiſſe eſtre la Princeſſe de Pont, Mandane la luy ſera touſjours davantage : & entre une Sœur & une Maiſtresse, il n’y a pas grande peine à ſe refondre. S’il tenoit en ſon pouvoir un Frere ſe je l’avois, & meſme le Roy mon Pere, cela pourroit ſervir à quelque choſe : mais pour Mandane à rien du tout. Joint que me connoiſſant comme