Bithinie, favoriſé de quelques Grands du Royaume, qu’il gagna par de l’argent : En ſuitte de quoy il retourna à Heraclée, où il fit eſlever le jeune Prince Arſamone. Au commencement il luy fit rendre tous les honneurs qui eſtoient deus à un Roy de Bithinie, afin de tromper perles Bithiniens, & de les accouſtumer à recevoir ſes ordres : mais apres qu’il ſe fut bien eſtably, il ſupposa une declaration, par laquelle il paroiſſoit que le feu Roy de Bithinie advoüoit que ſon Royaume avoit eſté autrefois uſurpé ſur les Rois de Pont ; & par laquelle il diſoit vouloir que ſon Fils ne fuſt que Sujet de celuy qui regnoit alors. En fin Seigneur, la force l’emporta ſur la juſtice : Arſamone fut touſjours traité en Prince, mais non pas en Roy : & ce ne fut plus qu’un Eſclave à qui l’on donna des fers dorez, tres peſans & tres faſcheux. Il les a pourtant portez avec une patience & une diſſimulation ſans exemple : Ceux qui ſe mélent de raiſonner ſur les choſes, n’ont jamais bien pû comprendre pourquoy le Roy de Pont faiſant mourir le Pere, eſpargna la vie du Fils : mais ſoit qu’il craigniſt de forcer les Bithiniens à luy declarer la guerre, & à ſe ſouslever contre luy : ou ſoit qu’il en fuſt empeſché par une puiſſance abſoluë des Dieux, il ne le fit pas. Arſamone veſcut donc comme ſon Sujet ; & meſme ſe maria à une Princeſſe Bithinienne, qu’on luy permit d’eſpouser, parce qu’elle n’eſtoit pas riche : il eſt vray qu’en recompenſe elle eſtoit tres belle en ce temps là, & qu’elle eſt encore tres vertueuſe en celuy-cy : Vous le sçavez Seigneur, puis que ce fut chez elle que vous fuſtes pris pour le Prince Spitridate. Il ſouffrit auſſi qu’une Sœur du Roy qu’il avoit empoiſonné, eſpousast le Prince Gadate : ce ne fut toutefois que parce que
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