Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/351

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la Bithinie : il faloit le declarer Tuteur du Prince ſon fils. De ſorte qu’en ce déplorable eſtat, où tout ſon Royaume a creû qu’il avoit eſté reduit par un Poiſon que le Roy de Pont luy avoit fait donner : il aſſemble tous les Grands de Bithinie qui l’avoient ſuivy à cette entre-veuë : & leur declare comme quoy il entend que le Roy de Pont pendant la minorité du Roy ſon Fils, ait la conduitte de ſes Eſtats, & qu’il y diſpose de toutes choſes : l’aſſujetissant toutefois à ne donner les Charges & les Gouvernemens qu’à des Bithiniens. Le Roy de Pont fit ſemblant de ne vouloir pas accepter ce qu’on luy offroit : mais ce malheureux Prince l’en preſſant touſjours davantage, il luy promit enfin qu’il conſerveroit la Couronne de Bithinie comme la ſienne propre : il luy parla avec tant de generoſité en aparence, qu’il le fit du moins mourir aſſez doucement, quoy que ce fuſt d’une mort violente. Encore que tous les Grands de Bithinie euſſent teſmoigné approuver cette reſolution, n’oſant pas reſister à leur Roy mourant : neantmoins apres qu’il fut mort ; s’eſtant eſpandu quelque bruit de poiſon, ils s’y oppoſerent : & commencerent de vouloir ſe ſervir des Gardes du feu Roy, pour s’aſſurer de la Perſonne de leur jeune Prince, qui n’eſtoit qu’à cinquante ſtades de là ; dans un Chaſteau où les Rois de Bithinie faiſoient eſlever leurs Enfans, juſques à ce qu’on les oſtast d’entre les mains des Femmes. Mais le Roy de Pont les prevenant : avoit fait redoubler ſecretement les garniſons de toutes les Villes qu’il avoit le long de la Riviere : de ſorte que les en tirant, il en forma promptement un petit Corps d’Armée, avec lequel il s’aſſura de la Perſonne du jeune Prince, & ſe rendit Maiſtre de la