Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/355

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la Fille du Prince Arſamone, ce ſeroit aſſurer encore davantage la poſſession du Royaume de Bithinie à ſa Maiſon.

La choſe eſtant en ces termes, tous les divertiſſement que l’on donnoit à ces jeunes Enfans, on les leur donnoit enſemble : les promenades, les chaſſes, les bals, & les muſiques, faiſoient qu’ils ſe voyoient tous les jours : & j’oſe dire que par le ſoin que l’on prit à les eſlever, ils ceſſerent d’eſtre enfans, beaucoup pluſtost que leur âge ne ſembloit le devoir permettre. On voyoit bien en leur converſation, la grace, la naïveté, & l’enjoüement ordinaire de l’enfance : mais ils n’en avoient ny la ſotte honte, ny la trop grande hardieſſe, ny la ſimplicité, ny l’ignorance. Cependant quoy qu’on les euſt obligez à vivre avec une égale civilité, leur inclination y mit de la difference : & je m’aperçeus enfin, que Spitridate avoit pour la Princeſſe Araminte, beau coup plus de reſpect que le Prince Euriclide ſon frere. Je remarquay auſſi preſque en meſme temps, que le Prince Sinneſis rendoit beaucoup de ſoings à la Princeſſe Ariſtée, que le Roy de Pont d’aujourd’huy ne luy rendoit pas : & comme je sçavois alors les intentions du Roy, parce que ma Mere me les avoit apriſes, auſſi bien que celles de la feuë Reine de Pont, afin que j’y ſervisse autant que je le pourrois, je fus ravie de voir un ſi heureux commencement à ſon deſſein : & je creus meſme que le Prince Arſamone, & la Princeſſe Arbiane ſa femme le trouveroient fort bon. Je vy donc naiſtre l’amour en ces jeunes cœurs ſans m’y oppoſer : & je fus aſſez long temps à m’apercevoir qu’ils aimoient, ſans qu’ils le sçeuſſent eux meſmes : eſtant certain que Sinneſis & Spitridate avoient deſja rendu mille petits ſervices