Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/359

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que ce fuſt choquer la bien-ſeance, que de vouloir demander au Prince Spitridate le ſujet de ſa melancolie : je penſe que vous ne trouverez pas mauvais que je vous demande ce qui vous fait tant reſver aujourd’huy. D’abord elle voulut me perſuader qu’elle n’eſtoit point plus reſveuse qu’à l’ordinaire : toutefois voyant qu’elle n’en pouvoit venir à bout. Mais Heſionide, me dit elle, ne m’avez vous pas dit qu’il ne faloit pas eſtre trop curieuſe ? Ouy Madame, luy repliquay-je, mais je ne ſuis pas la Princeſſe Araminte, & vous n’eſtes pas le Prince Spitridate. Ainſi je puis aveque raiſon vous demander ce qui vous inquiete, ſans craindre de vous offenſer : puis que je ne le fais au contraire, que pour vous ſoulager s’il eſt en mon pouvoir. En verité Heſionide, me dit elle, je n’ay rien dans l’eſprit qui me fâche : En verité, repris-je. Madame, vous y avez quelque choſe qui vous occupe : & ſe vous ne me faites l’honneur de me le dire, je croiray que le Prince Spitridate vous a deſcouvert le ſujet de ſa melancolie : & que cette melancolie eſt devenuë contagieuſe pour vous. M’en preſervent les Dieux, me dit elle avec precipitation ; Vous sçavez donc preſentement ce que c’eſt, luy dis-je. La Princeſſe rougit, voyant qu’elle ne pouvoit le nier ; & s’approchant alors de moy avec une bonté extréme, & une ingenuité la plus grande du monde : il eſt vray, dit elle, que je le sçay ; & ſe vous sçaviez le deſpit & la honte que j’en ay, vous m’en pleindriez ſans doute extrémement. Mais auſſi Heſionide, reprit elle, que ne me diſiez vous un peu plus fortement que vous n’avez fait, qu’il ne faloit point que je demandaſſe à Spitridate quel eſtoit ſon chagrin ? car je m’imagine que vous le sçaviez : ou