Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/358

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s’eſtant miſe à me parler de quelque affaire aſſez importante apres avoir ſalüé le Prince & la Princeſſe, je fus contrainte de l’entretenir : & par conſequent de donner lieu à Spitridate d’une converſation particuliere avec la Princeſſe Araminte qui dura aſſez long temps : car le Prince Sinneſis n’avoit garde de l’interrompre, eſtant aſſez occupé luy meſme à entretenir la Princeſſe Ariſtée. Comme nous marchions dix ou douze pas derriere eux, je ne pouvois juger que de leurs actions, & je ne pouvois pas entendre leurs paroles : mais enfin je vis tout d’un coup que la Princeſſe Araminte nous rejoignit, diſant qu’elle eſtoit laſſe de ſe promener, & qu’elle ſe vouloit repoſer, ne pouvant marcher davantage : de ſorte que quittant Spitridate, elle s’aſſit ſur des ſieges de gazon. Comme je les obſervois touſjours exactement, je vy que Spitridate quittant la main de la Princeſſe, & luy faiſant la reverence changea de couleur : & qu’elle la luy faiſant ſans le regarder, rougit auſſi, & fit ſemblant de racommoder quelque choſe à ſa Coiffure, pour cacher ce petit change ment de ſon viſage. Il me ſembla meſme qu’elle avoit regardé ſi je ne m’en eſtois point aperçeuë : en ſuitte de quoy apres avoir encore eſté quelque temps en converſation, elle ſe retira : & la Princeſſe Arbiane apres l’avoir remenée juſqu’à ſon Chariot, s’en retourna, emmenant la belle Ariſtée avec elle. Tout le reſte du jour la Princeſſe me parut inquiete, quoy qu’elle aportaſt ſoing à ne la paroiſtre pas : & comme elle entra dans ſon Cabinet, ſans apeller pas une de ſes Filles, comme elle faiſoit ſouvent, j’y entray un peu apres qu’elle y fut : & je la trouvay appuyée ſur une feneſtre, qui reſvoit profondément. Madame, luy dis-je en riant, puis que vous ne trouviez pas tantoſt