De ſorte que je creus que la choſe eſtoit ainſi, & je voulus le faire croire à la Princeſſe : qui en effet fit ſemblant par modeſtie d’adjouſter foy à ce que je luy diſois, quoy que dans le fonds de ſon cœur elle ne me creuſt pas. Cependant le Prince Sinneſis qui eſtoit d’un eſprit plus entreprenant que Spitridate, & qui dans l’eſtat preſent des choſes, ne devoit pas tant de reſpect à la Princeſſe Ariſtée, que Spitridate en devoit à la Princeſſe Araminte, ſe mit à l’entretenir ouvertement de ſa paſſion : mais quoy qu’il peuſt faire, il ne pût jamais obtenir un regard favorable de cette belle Perſonne. Elle vivoit aveque luy tres civilement : c’eſtoit bien plus touteſfois comme eſtant Fils du Roy de Pont, & comme eſtant Frere de la Princeſſe Araminte, avec qui elle avoit une amitié tres particuliere, que comme eſtant ſon Amant. Tout le monde dans la Cour cherchoit la cauſe de cet te froideur ſans la pouvoir trouver : car on n’ignoroit pas que ſe Ariſtée n’eſpousoit point le Prince Sinneſis, elle ne ſeroit jamais Reine. Pour moy je m’imaginay que cette jeune Princeſſe le traitoit ainſi, dans l’incertitude où elle eſtoit de ſon deſſein : & je creus que dés que le Roy en auroit parlé à Arſamone, elle changeroit de façon d’agir. Mais Seigneur, en ce meſme temps, comme la Princeſſe Araminte effaçoit tout ce qu’il y avoit de beau, & dans la Cour, & dans Heraclée, par le merveilleux eſclat de ſa beauté : & qu’il n’y avoit que la ſeule Ariſtée qui peuſt ne paroiſtre pas laide en ſa preſence, elle conqueſta mille cœurs, & enchaina mille Eſclaves, ſans en avoir le deſſein. Mais entres les autres, le vaillant Pharnace, & le laſche Artane devinrent telle ment amoureux d’elle, qu’ils ne purent cacher leur paſſion
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