Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/365

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fort Spitridate : & le Prince Aryande, ſans eſtre amoureux de perſonne, non plus que le Prince Euriclide, avoit une amitié tres particuliere pour Pharnace. Dans toutes les Feſtes publiques, aux Courſes de Chevaux, aux Bals, & aux Promenades, tous ces Amants paroiſſoient ſelon leurs divers deſſeins : & la Cour de Pont fut durant quelque temps, la plus divertiſſante Cour de l’Aſie. Comme la Phrigie & la Lydie ſont fort proches, on avoit fait venir des Muſiciens de ces deux Royaumes, qui augmentoient de beaucoup les plaiſirs : & comme Heraclée eſt certainement une des plus belles Villes que les Grecs ayent jamais fondée, & de qui le Païſage eſt le plus beau ; à cauſe qu’elle a non ſeulement la Mer qui la borde d’un coſté, mais un grand & beau Fleuve qui paſſe un peu au delà de ſes Murailles ; on peut dire que tous les divertiſſemens innocens, regnoient alors dans la Cour de Pont. Car le Roy, qui comme je l’ay deſja dit, ſouhaitoit par Politique que Sinneſis eſpousast la fille d’Arſamone, & que Spitridate eſpousast la Princeſſe Araminte, eſtoit bien aiſe de voir la galanterie de ces jeunes Amants : qui cependant ne pardoient pas une occaſion de plaire à leurs Princeſſes. Mais entre les autres, Spitridate eſtoit incomparable en toutes choſes : il ne faiſoit pas. une action qui ne pleuſt, il ne diſoit pas une parole qui ne charmaſt ; & ſon ſilence meſme eſtoit quelqueſfois ſi eloquent, & ſe agreable, que j’advoüe que je regarday alors ce jeune Prince, comme le ſeul digne d’eſpouser la Princeſſe Araminte : De ſorte que ſans m’oppoſer à ſa Paſſion, je ſongeois ſeulement à empeſcher que la Princeſſe ne la reçeuſt trop favorablement. Mais je n’avois que faire de m’en mettre en