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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/366

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peine : car encore qu’elle euſt pour luy beaucoup d’eſtime, & meſme beaucoup d’inclination : comme elle eſt née tres modeſte, & que de plus elle aime la veritable gloire, preferablement à toutes choſes ; elle ne luy donna gueres moins de peine, que ſi elle euſt eu de l’averſion pour luy. Si bien que lors qu’il voulut luy reparler de ſon amour, elle le luy deffendit ſi cruellement, qu’il en devint encore plus melancolique. Comme je m’aperçeus du changement de Spitridate, Madame (luy dis-je un matin qu’elle eſtoit ſeule) vous ſouvient il du jour que vous me demandiez ſi je sçavois la cauſe du chagrin du Prince Spitridate ? & ne trouverez vous point mauvais, que je m’informe à mon tour, de ce qu’il a aujourd’huy dans l’eſprit qui l’inquiette ? Heſionide, me dit elle, ſi vous le voulez sçavoir abſolument, je vous le diray : mais vous me ferez plaiſir de m’eſpargner la peine de vous raconter la folie de ce Prince. Et puis, adjouſta t’elle en riant, je ne juge pas que ſa melancolie vous doive donner beaucoup de curioſité : & ſi vous le voiyez fort ſatisfait, je penſe qu’il ſeroit plus juſte que vous en euſſiez. En verité, luy dis-je, Madame, j’eſtime ſi fort Spitridate, que ſa douleur me touche ſensiblement : c’eſt pourquoy je voudrois bien en sçavoir la cauſe. Enfin je la preſſay tant, que je l’obligeay à m’advoüer que comme Spitridate luy avoit encore voulu parler de ſa paſſion, elle le luy avoit deffendu ſe abſolument, qu’elle ne penſoit pas qu’il euſt la hardieſſe de luy deſobeïr. Mais (luy dis-je, pour eſprouver ſon eſprit, apres avoir touteſfois loüé ce qu’elle avoit fait, pourveu qu’elle l’euſt fait ſans donner nulle marque de mépris à ce Prince) ſi Spitridate vous obeït exactement, & qu’il ne vous donne plus jamais