Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/367

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aucune marque d’eſtime particuliere pour vous, luy en ſerez vous bien obligée ? Penſez vous, me dit elle en rougiſſant, que je commande des choſes que je ne veüille point que l’on faſſe ? Mais Ma dame, luy dis-je encore, au lien de me faire une nouvelle queſtion, reſpondez s’il vous plaiſt un peu plus preciſément à la mienne : & me dittes de grace, ſi le Prince Spitridate ne vous parle plus ; qu’il ne vous accompagne plus, ny au Temple, ny à la promenade ; qu’il ne ſonge plus à vous divertir ; qu’il ne s’attache plus à vous rendre mille petits ſoings & mille petits ſervices que vous en recevez tous les jours ; & qu’il ne vous regarde meſme plus qu’avec indifference, qu’en penſerez vous ? Mais, reprit elle en riant, je ne luy ay deffendu que de parler ; & je ne luy ay pas commandé de ne faire plus ce que la ſeule civilité veut qu’il face. Je vous entens bien Madame, luy dis-je en riant à demy, vous voulez que Spitridate vous aime ſans vous le dire : nullement, reprit elle toute interdite, & vous n’expliquez pas bien mes paroles. Je les explique comme je dois, luy dis-je, & il ne vous eſt pas meſme deffendu, pourſuivis-je encore, de ſouffrir d’eſtre aimée d’un Prince, que ſelon les apparences vous devez eſpouser. Mais Madame, ſouvenez vous s’il vous plaiſt de vivre touſjours aveques luy de telle ſorte, que quand ce bonheur luy ſera arrivé, s’il luy arrive, vous ne vous repentiez jamais de luy avoir dit une ſeule parole ny trop aigre, ny trop douce. C’eſt par cette ſeule penſée que je vous conjure de regler voſtre façon d’agir avec Spitridate : eſtant bien aſſurée que ſe vous faites reflexion ſur ce que je dis, vous ne luy direz jamais rien dont vous puiſſiez vous repentir. Elle me le promit, & noſtre converſation