Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/375

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voir qu’elle ne pouvoit plus eviter qu’il ne luy parlaſt de ſa paſſion : ſi bien que dans cét embarras d’eſprit, elle fut quelque temps ſans parler, & ſans que Spitridate oſast auſſi ouvrir la bouche. Neantmoins comme il craignit qu’elle ne l’accuſast d’avoir eu quelque inconſideration en avoüant au Prince ſon Frere, l’amour qu’il avoit pour elle, il parla enfin le premier. Je ne sçay, Madame, luy dit il, ſi je ne ſeray point aſſez malheureux, pour eſtre ſoubçonné de temerité & d’imprudence : Mais quand vous sçaurez que le Prince, apres avoir eu la bonté de m’aprendre l’honneur qu’il veut faire à ma Sœur, a encore eu celle de me dire qu’il connoiſſoit la paſſion que j’avois pour vous, & qu’il m’y vouloit ſervir : que vous sçaurez, dis-je, que d’abord je l’ay voulu nier : & que je ne l’ay avoüé, qu’apres qu’il m’a eu preſſé vingt fois de luy dire ce qu’il sçavoit deſja : je penſe que vous trouverez qu’il euſt eſté bien difficile à un homme qui vous aime avec une paſſion démeſurée, de refuſer une protection ſi puiſſante aupres de vous ; en ayant au tant de beſoin que j’en ay : car enfin. Madame, je n’ay pas veû une ſeule de vos actions, qui raiſonnablement ait deû me faire eſperer. Apres que Spitridate eut achevé de dire ce qu’il voulut pour ſa juſtification, la Princeſſe relevant les yeux qu’elle avoit touſjours tenu bas tant qu’il avoit parlé : je ſuis bien aiſe, luy dit elle, que la choſe ſe ſoit du moins paſſée comme vous le dittes : & de ce que je voy que cette avanture n’eſt fondée que ſur l’imagination du Prince Sinneſis : qui pour vous obliger à le ſervir, vous a voulu perſuader que vous m’aimiez plus que vous ne faites. Mais Spitridate, adjouſta t’elle en ſous-riant, cela ne vous engage à rien : & je vous proteſte que je