Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/374

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peu en phiſionomie, que je ne voye bien que malgré toute voſtre fierté & toute voſtre ſagesse, Spitridate n’eſt pas haï : & alors ſans luy donner loiſir de luy reſpondre, l appella ce Prince qui me parloit à l’autre bout de la Chambre. La Princeſſe demeura ſi eſtonnée, qu’elle ne pouvoit que faire, & ne sçavoit à quoy ſe reſoudre : en verité Seigneur, luy dit elle, vous avez perdu la raiſon à la chaſſe : & je ne penſe pas que vous aprouviez demain ce que vous faites aujourd’huy. Cependant Spitridate ayant obeï au Prince Sinneſis, & s’en eſtant aproché ; je vous ay tenu ma parole, luy dit le Prince, & je vous ay rendu le meſme ſervice que je vous ay demandé. Seigneur, reprit Spitridate, ce que vous ſouhaïtez de moy eſt ſi peu de choſe, en comparaiſon de la glorieuſe protection que vous m’avez offerte, que l’en rougis de confuſion. C’eſt à moy, dit la Princeſſe, à rougir de honte, de voir à quelle eſtrange avanture le Prince mon Frere m’expoſe, quoy qu’il en ſoit, luy dit il en luy prenant la main, il y va de la vie de Spitridate, & de celle de Sinneſis tout enſemble : & je vous declare en preſence des Dieux qui m’eſcoutent, que ſi vous maltraittez Spitridate, je deviendray voſtre ennemy. Apres cela ſans luy donner loiſir de reſpondre, hauſſant la voix, afin que ceux qui l’avoient ſuivy l’entendiſſent ; je vous laiſſe Spitridate, luy dit il, qui a ordre de vous raconter toute l’affaire dont il s’agit : & il ſortit auſſi toſt apres, laiſſant la Princeſſe ſi interdite, qu’elle ne sçavoit quelle reſolution prendre : Car elle n’ignoroit pas la violente paſſion de Sinneſis pour Ariſtée, ny ſon humeur imperieuſe. Cependant quoy qu’elle eſtimast beaucoup Spitridate, elle eſtoit pourtant en quel que ſorte faſchée de