Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/383

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toute libre : mais puis que cela eſt ainſi, conſiderez bien je vous prie, à quel deſespoir vous me reduirez, ſi vous me refuſez du moins la grace de teſmoigner au Prince Sinneſis que j’ay fait aupres de vous tout ce que je pouvois : & que meſme je ne vous ay pas parlé inutilement pour luy. Per mettez luy d’eſperer durant quelque temps : pendant le quel le Prince Arſamone changera peuteſtre de deſſein. Enfin Seigneur, Spitridate pria ſi tendrement la Princeſſe Ariſtée, qu’elle luy accorda cette derniere grace : mais il ſe retira pourtant avec une inquietude inconcevable. Comme il avoit l’ame grande, il ne pouvoit pas faire qu’il ne trouvaſt auſſi quelque choſe de grand au deſſein qu’avoit le Prince ſon Pere, de refuſer une Couronne pour la Princeſſe ſa Fille, dans l’eſperance de la reconquerir un jour pour luy : mais apres tout, l’amour affaçoit bien toſt cette penſée de ſon ame : & il luy eſtoit plus aiſé de ſe reſoudre à eſtre touſjours Sujet, que de perdre l’eſpoir de pouvoir un jour regner dans le cœur de la Princeſſe Araminte.

Cependant le Prince Aryande qui n’avoit point aimé Spitridate, quoy qu’il ne le teſmoignast pas, depuis une courſe de chevaux qui s’eſtoit faite, où ce Prince avoit emporté le prix : & où il s’eſtoit imaginé que Spitridate n’avoit pas agi comme il devoit aveque luy ; s’apercevant qu’il avoit la protection du Prince Sinneſis, aupres de la Princeſſe Araminte, ſe mit en fantaiſie de proteger auſſi Pharnace : & en effet il luy en parla tres avantageuſement. Mais prenant les choſes d’un autre biais que Sinneſis, il luy dit qu’il n’avoit point d’intereſt que le ſien en cette occaſion : que pour luy il ne trouvoit point qu’elle deuſt jamais conſentir à épouſer Spitridate : qui apres tout eſtoit