s’agira d’Araminte, je ne luy sçaurois obeïr. Cependant mon Frere, luy dit Ariſtée, vous hazardez beaucoup en luy deſobeïſſant : je hazarderois bien davantage, repliqua t’il, en ne luy deſobeïſſant pas. Et quoy ma Sœur, vous pretendez donc luy obeïr aveuglément ? Je ſuis d’un ſexe, reſpondit elle, qui ne me permet pas d’en uſer d’une autre ſorte. Quoy, luy dit il encore, vous mal-traitterez le Prince Sinneſis, luy qui vous offre deux Couronnes ! luy qui m’a rendu office aupres de la Princeſſe Araminte ! luy qui me la peut faire donner ! luy qui vous a donné toutes ſes affections ! & luy enfin qui vous adore ! Je ne le mal traiteray pas, dit elle, mais je ne l’épouſeray point, ſi le Prince mon Pere n’y conſent. Vous voulez donc que je meure, luy reſpondit il ; vous voulez donc que je me deſhonnore, luy repliqua t’elle. Je veux que vous montiez au Throſne pour me ſauver la vie, & pour me rendre heureux, reſpondit ce Prince affligé. Les Dieux sçavent, dit la Princeſſe Ariſtée, je ne ferois pas pour vous, les choſes du monde les plus difficiles : mais de me marier ſans le conſentement d’Arſamone, c’eſt ce que je ne dois pas faire, & meſme ce que je ne puis pas faire. Car je ne crois pas que le Roy de Pont, ny le Prince Sinneſis le vouluſſent, s’ils sçavoient qu’Arſamone ne le vouluſt pas : de ſorte, dit elle, que la prudence veut que l’on n’avance pas les choſes au point que ces Princes croyent que mon Pere ne veut pas de leur alliance, puis qu’il leur ſeroit aiſé d’en ſoubçonner la raiſon : & il vaut bien mieux que tout retombe ſur moy, & que ſe paſſe pour une capricieuſe, qui a une averſion ſecrette pour le Prince Sinneſis. Vous eſtes trop prudente ma Sœur, interrompit Spitridate, & il paroiſt bien que voſtre raiſon eſt
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