Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/39

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

des cris de joye que l’on entendoit ; vit que Cyrus s’eſtoit ſeparé de ſes Liberateurs : & s’eſtoit mis, comme je l’ay deſja dit, devant la porte du Chaſteau, en poſture de le vouloir deffendre, contre ceux qui n’avoient entrepris de l’attaquer que pour ſa liberté. Cette action qui fut veuë de cent mille perſonnes differentes, cauſa une pareille admiration en leur ame, & ſuspendit les actions de tous également. Ciaxare ne sçavoit pas trop bien ſi ce qu’il voyoit eſtoit veritable, luy qui croyoit un moment auparavant que Cyrus eſtoit priſonnier. Cependant ce genereux Prince s’approchant touſjours davantage de cette Porte ; tenant ſon Eſpée d’une main, & faiſant ſigne de l’autre qu’il vouloit parler : il ſe fit en un inſtant un auſſi grand ſilence, que le bruit avoit eſté tumultueux. Ne penſez pas mes Liberateurs (dit il à Thraſibule, à Hidaſpe, à Aglatidas, & à Orſane) que j’aye accepté la liberté pour m’en ſervir contre le Roy : Non non, je n’aime pas ſi peu la gloire que je ne la prefere à la vie ; & ſi je ſuis ſorti de priſon, ç’a eſté mes Compagnons (dit il en regardant les Soldats) pour venir vous aprendre à reſpecter mieux voſtre Maiſtre. Ne me forcez donc pas à me ſervir contre vous, de cette meſme Eſpée qui vous a quelquefois rendus Victorieux : obeïſſez, obeïſſez aveuglément aux commandemens du Roy : & s’il vous demande ma teſte, il la luy faut donner ſans repugnance. Quoy (adjouſta t’il encore, en redoublant l’ardeur avec laquelle il parloit) vous ay-je apris à vous rebeller contre voſtre Roy ? Et avez vous veû en quelqu’une de mes actions, que je fuſſe capable d’approuver ce que vous faites ? Non non, ne vous y trompez pas : je ne sçaurois vous eſtre obligé d’une action ſi criminelle : &