Spitridate : il eſt parti cette nuit, avec toute ſa Maiſon : & s’eſt embarqué ſi ſecrettement, que l’on ne s’en eſt aperçeu que par des Placards affichez en divers endroits de la Ville, comme celuy que je vous apporte. En diſant cela, il luy donna un Eſcrit, qui eſtoit conçeu en ces termes.
Le Prince Arſamone mande au Roy de Pont, que ce ſeroit faire une alliance indigne de luy, que de marier le Prince ſon Fils, & la Princeſſe ſa Fille, aux enfans d’un Eſclave : c’eſt pourquoy pour agir juſtement & genereuſement, il faut qu’il luy rende le Royaume de Bithinie, auparavant que de traiter d’alliance aveques luy. Autrement il luy declare la guerre, comme à l’uſurpateur de ſes Eſtats, & comme à ſon ennemy mortel.
Vous pouvez penſer, Seigneur, quelle ſurprise fut celle de la Princeſſe : neantmoins comme elle eſt fort ſage, elle n’éclatta pas devant le Prince ſon Frere : & elle s’informa avec beaucoup de retenuë, de tout ce qu’il sçavoit de la choſe. Mais pour luy qui eſtoit d’un temperamment violent, il dit tout ce que l’amour, la colere, la fureur, & le deſespoir peuvent faire dire. Tantoſt toute ſa rage ne s’adreſſoit qu’à Arſamone : un moment apres il ſoubçonnoit Spitridate d’avoir sçeu ce deſſein : & un inſtant en ſuitte, confondant dans ſon eſprit : & les innocents, & les coupables ; ou pour mieux dire ne les pouvant diſcerner : il parloit & contre Spitridate, & contre Arbiane, & contre Euriclide, & meſme contre Ariſtée. Pendant un ſi violent mouvement, la Princeſſe ne parloit point : Elle euſt bien voulu