point dans mon ame, celuy de la poſſeder. Mais helas, diſoit il encore, que penſera t’elle de moy, cette divine Princeſſe ? & pourra t’elle croire que je n’ay rien sçeu du deſſein du Prince Arſamone ? Ne nous flatons pas, adjouſtoit il quelques preuves d’amour que nous luy ayons renduës, elle croira que je prefere la Couronne de Bithinie à ſa perſonne : le Prince Sinneſis au lieu d’eſtre mon Protecteur comme il eſtoit, va devenir mon ennemi mortel ? il m’accuſera de luy avoir enlevé Ariſtée : & il parlera autant contre moy, qu’il a parlé à mon advantage. Enfin Araminte, la genereuſe Araminte, me haïra peut-eſtre autant qu’elle m’a aimé. En effet, diſoit il, je trouve qu’elle aura raiſon : car puis que je n’eſtois pas Maiſtre de mes actions, pourquoy luy ay-je découvert mon amour, & que n’ay-je touſjours agy comme ſon ennemy declaré ? Mais apres tout, adjouſtoit il, ma Princeſſe, je ſuis malheureux, & je ne ſuis pas criminel : l’ambition agite mon eſprit, je l’advouë : mais l’amour le poſſede abſolument. Ainſi ſans sçavoir ce qu’il devoit, ce qu’il vouloit, ny ce qu’il pouvoit faire, l’infortuné Spitridate s’abandonnoit à la douleur : & donnoit tous les momens de ſa triſte vie au ſouvenir de ſa chere Princeſſe.
Cependant, Seigneur, il faut que je vous die, quel fut noſtre eſtonnement le lendemain, lors que nous sçeuſmes le départ d’Arſamone : car à la verité il fut ſi grand, que je ne m’en puis encore ſouvenir ſans eſmotion. La Princeſſe eſtoit encore endormie, quand le Prince Sinneſis vint à ſa Chambre : où contre ſa couſtume il commanda qu’on l’éveillaſt. Ce qui ne fut pas ſi toſt fait, que s’aprochant d’elle, ma Sœur, luy dit il, Arſamone m’a enlevé Ariſtée, & vous enleve