Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/400

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Prince avoit agy de cette ſorte, dans un temps où il vouloit mettre ſa Fille ſur le Throſne, & donner la ſienne au Prince ſon Fils, il ne trouvoit point d’excuſe pour luy dans ſon eſprit : & ſans ſe ſouvenir qu’il luy retenoit un Royaume, il eſtoit auſſi irrité contre luy, que ſi Arſamone euſt eſté un Sujet rebelle. En ce meſme temps Pharnace revint, ſans avoir pû joindre Arſamone : ayant ſeulement sçeu par quelques Vaiſſeaux Marchands qui l’avoient rencontré, qu’il prenoit la route de Bithinie : où l’on sçeut quelques jours apres, qu’il avoit penſé faire naufrage en entrant au Port : mais qu’eſtant échapé de ce peril, il avoit eſté reçeu comme Roy, par les Habitans de Chalcedoine, & par ceux de Chriſopolis : qui avoient fait main baſſe ſur les Garniſons que le Roy de Pont y avoit miſes. J’advouë, Seigneur, qu’en cette occaſion, l’amour de la Patrie l’emporta ſur toute autre choſe dans mon cœur : & que j’eus quelque joye de pouvoir eſperer de revoir un Roy en Bithinie. Car comme cela ſe fit tout à la fin de l’Automne, je creus que durant l’Hiver, peut-eſtre les choſes s’acommoderoient : & que la Princeſſe Araminte pourroit eſpouser Spitridate, & eſtre un jour Reine du Païs d’où je tirois mon origine. Ainſi les intereſts de ma Patrie, s’acommodant avec ceux de ma Maiſtresse, je fis tout ce que je pus, pour luy faire concevoir quelque eſperance : mais elle me dit touſjours, que certainement le Roy ſon Pere ne conſenteroit jamais à perdre un Royaume, ſi la force ne l’y contraignoit. Et en effet, quoy que ce ne fuſt pas une Saiſon à commencer la guerre, neantmoins on ne laiſſa pas de donner pluſieurs commiſſions, pour lever de nouveau des Troupes au lieu de celles que l’on venoit de licencier, apres