Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/401

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la guerre de Phrigie. Durant ce temps là Pharnace & Artane ravis de l’abſence de Spitridate, ſe mirent à voir la Princeſſe avec une ſi grande aſſiduité, qu’elle en eſtoit importunée : principalement d’Artane, de qui l’inſolence recommença à diverſes fois. Car pour Pharnace, il eſt certain qu’il eſtoit ſi diſcret & ſi ſage, qu’il ne luy donnoit nul ſujet legitime de pleinte : & s’il l’incommodoit ſouvent, c’eſt que dans les ſentimens où eſtoit la Princeſſe, la ſolitude eſtoit ſa plus grande conſolation. Si elle ſe promenoit, c’eſtoit touſjours la moins accompagnée qu’il luy eſtoit poſſible : & pour mieux cacher les maux de ſon eſprit, elle feignoit ſouvent d’eſtre un peu malade, & de ne pouvoir voir perſonne. Un jour donc qu’on ne la voyoit point, il vint une nouvelle de Bithinie, qui ſurprit fort toute la Cour ; qui fut qu’Arſamone avoit fait mettre Spitridate priſonnier dans le Chaſteau de Chalcedoine, où il eſtoit gardé tres ſoigneusement. Une ſemblable choſe qui en toute autre rencontre auroit extrémement affligé là Princeſſe, luy donna une joye bien ſensible : parce qu’elle regarda la priſon de Spitridate comme une preuve de ſon innocence, qui le juſtifioit pleinement dans ſon eſprit. De plus, comme elle ne craignoit pas qu’Arſamone entrepriſt rien ſur ſa vie, puis qu’il eſtoit ſon Fils ; elle trouvoit encore quelque conſolation, à penſer que ſi la guerre duroit, il ne combatroit ny contre le Roy ſon Pere, ny contre les Princes ſes Freres : & qu’ainſi ſi la paix ſe faiſoit un jour, elle n’auroit rien à luy reprocher. Il y avoit pourtant quelques inſtans, où elle eſtoit affligée de la peine qu’il enduroit : Mais apres tout en l’eſtat qu’eſtoient les choſes, elle n’euſt pas voulu qu’il euſt eſté