Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/408

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les armes à la main contre le Pere & contre les Freres de la Princeſſe Araminte ? & laiſſeray-je croire à cette illuſtre Perſonne, que je l’ay trompée ; que je l’ay trahie ; & que je ne luy ay teſmoigné de l’affection, que pour cacher le deſſein que j’avois de remonter au Throſne de Bithinie ? Ha non non, je n’y sçaurois conſentir : Mais que feray-je donc ? diſoit il ; je n’en sçay rien, ſe reſpondoit il à luy meſme, & je penſe que la ſeule mort eſt ce qui me peut mettre en eſtat de ne faire rien ny contre mon honneur, ny contre mon amour, ny contre ma propre inclination. Cependant il faut ſe reſoudre : il faut aller à Heraclée ou à Chalcedoine : ſi je vay à la premiere, je me perds d’honneur, mais je ſatisfais mon amour : & ſi je vais à la derniere, je ſatisfais mon ambition & la Nature ; mais je me détruits dans l’eſprit de ma Princeſſe, que je prefere à toutes choſes, & meſme à ma propre vie. Enfin cét Eſtranger nous dit, qu’apres une agitation tres violente, l’amour avoit eſté la plus forte dans ſon cœur : que neantmoins voulant prendre un milieu entre ces deux extremitez, il avoit conſideré, qu’en la Saiſon où l’on eſtoit, la guerre ne pouvoit ſe commencer de plus de quatre mois : ſi bien qu’il avoit fait deſſein de ſe déguiſer ; de revenir à Heraclée ſecrettement, ſans voir le Roy ny les Princes ; & de taſcher de voir la Princeſſe par mon moyen, pour ſe juſtifier aupres d’elle ; pour luy promettre de ne combattre jamais en perſonne le Roy ſon Pere, & pour luy demander ſeulement la permiſſion d’aller deffendre le ſien. Que ne doutant pas que la Princeſſe ne luy accordaſt ce qu’il vouloit, la connoiſſant fort equitable & fort genereuſe, il avoit reſolu de s’en retourner à Chalcedoine apres cela ; afin de taſcher