Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/407

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rder : mais que les rochers repouſſant les vagues en ce lieu là, il luy avoit eſté impoſſible. De ſorte qu’il avoit eſté contraint de ſe laiſſer emporter à ces vagues un peu plus loing : que comme elles eſtoient aſſez hautes, ce Marchands Perſans qui s’intereſſoient tant en ſa perte, l’avoient perdu de veuë, & avoient creû qu’il avoit peri. Que cependant le rivage devenant un peu moins raboteux, apres avoir eu bien de la peine, Spitridate eſtoit venu à bord, en un en droit où un vieux Peſcheur ſechoit ſes filets ſur le ſable, environ à quatre ou cinq ſtades de Chalcedoine. Que comme il eſtoit fort las, il avoit eſté contraint de ſe coucher ſur le rivage pour ſe repoſer : & que ce vieux Peſcheur ayant eu compaſſion de voir un homme ſi beau, ſi bien fait, & ſi magnifiquement habillé, en un ſi pitoyable eſtat ; luy avoit offert de le conduire à ſa petite Maiſon, qui eſtoit aſſez proche de là. Que Spitridate avoit accepté cette offre : & que ſans sçavoir encore bien preciſément la raiſon pourquoy, il pria ce charitable Peſcheur de ne dire à perſonne qu’il fuſt chez luy. Mais, Seigneur, quand cét Envoyé de Spitridate vint à raconter à la. Princeſſe les inquietudes de ce Prince en ce lieu là, j’advouë qu’il m’en fit compaſſion : en effet il eſt aiſé de s’imaginer que ſe voyant Maiſtre de ſes actions, & pouvant retourner à Heraclée, ou aller à Chalcedoine ; ſon ame ſe trouva en de pitoyables termes. Si je retourne à Heraclée, diſoit il, je ſatisferay ſans doute mon amour & ma Princeſſe : mais je me deſhonoray aux yeux de toute l’Aſie. Car enfin feray-je la guerre à mon Pere, pour un Prince qui luy retient un Royaume que je devois un jour poſſeder ? Mais auſſi, reprenoit il, ſi je vay à Chalcedoine, pourray-je me reſoudre d’aller