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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/410

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contre ſon honneur, il ſe rendra aupres de luy, dans le temps ou il peut avoir beſoin de ſon courage.

Apres donc que Spitridate fut parti, ce bon Peſcheur ſe mettant à raiſonner avec ſa Femme, ſur l’heureuſe rencontre qu’ils avoient eue, ils y paſſerent une grande partie de la nuit : cherchant en quel lieu ils pourroient cacher les magnifiques habillemens de Spitridate. Mais par malheur douze ou quinze de ceux qu’Arſamone avoit envoyez le long du rivage s’eſtant égarez, vinrent à cette Maiſon : & entrerent ſi inopinément, que ces bonnes gens ne purent ſi bien cacher les habits da Prince, qu’à travers des filets qu’ils avoient jettez deſſus, un de ces hommes ne viſt quelque choſe de brillant, qui luy donna la curioſité de regarder ce que c’eſtoit. Mais il n’eut pas pluſtost veû ces habillemens à la clarté d’une Lampe, qu’il les reconnut ; car c’eſtoit un Officier d’Arſamone : de ſorte que croyant que ce Peſcheur l’auroit peut-eſtre trouvé à demy mort au bord de la Mer. & l’auroit tué pour avoir ſes habits, il ſe mit à le menacer, s’il ne diſoit la verité : & à luy dire qu’il vouloir voir le corps du Prince Spitridate. Ce bon Peſcheur ſe voyant donc accuſé injuſtement ; & la. frayeur s’emparant de ſon eſprit, il leur dit la choſe comme elle s’eſtoit paſſée : & leur monſtra meſme le Biliet que Spitridate luy avoit laiſſé. Si bien que ne doutant point apres cela qu’il ne fuſt en vie, & s’imaginant aiſément qu’il auroit pris la route d’Heraclée : ils partirent en diligence, & envoyerent un d’entre eux, advertir Arſamone de ce qu’ils avoient apris : & luy porter meſme le Billet de Spitridate. Comme ils sçavoient bien qu’ils rendroient un