grand ſervice à Arſamone, de luy remener le Prince ſon Fils : ils firent une ſi grande diligence, qu’ils le trouverent au paſſage d’une petite Riviere, où il faloit de neceſſité qu’il allaſt : & ce qui facilita encore la recherche qu’ils firent, fut qu’ils avoient fait dire par force à ce Peſcheur, quel habit & quel Cheval avoit Spitridate. Comme ils l’eurent joint, ils J’aborderent avec reſpect : mais pourtant comme des gens qui ne vouloient pas qu’il leur échapaſt, car ils l’environnerent de tous coſtez. Ce Prince qui eſtoit aſſez mal monté, vit bien qu’il ne luy ſeroit pas poſſible d’eſviter d’eſtre pris : de ſorte qu’il voulut employer d’abord les prieres & les promeſſes. En ſuitte voyant qu’il ne les gagnoit pas, parce qu’en effet ils croyoient rendre office à Spitridate auſſi bien qu’à Arſamone, de l’empeſcher de retourner à Heraclée, il les menaça : il voulut meſme ſe mettre en eſtat de les forcer ; mais apres tout, voyant que ſes efforts ſeroient inutiles contre tant de gens, il ceda, & ſe laiſſa conduire à Chalcedoine : où Arſamone le reçeut avec toutes les marques d’indignation qu’un Pere irrité, & qu’un Prince violent peut donner. Il luy dit qu’il avoit raiſon, de ne pretendre pas à la Couronne de Bithinie, puis qu’il n’en eſtoit pas digne : mais que pour luy monſtrer qu’il la conſerveroit bien ſans luy, il l’alloit mettre en lieu, d’où il ne ſortiroit point, qu’il n’euſt ſurmonté dans ſon ame la honteuſe paſſion qui s’oppoſoit à ſa gloire. Spitridate voulut s’excuſer : mais comme il ne pouvoit obtenir de luy de dire au Roy qu’il n’aimeroit plus la Princeſſe Araminte : il s’en irrita davantage, & l’envoya priſonnier dans une des Tours du Chaſteau ; ſans permettre à perſonne de le viſiter, qu’à la Princeſſe Ariſtée :
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