Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/418

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Araminte à ce qu’il voudroit. Pour Artane, comme il n’y perdoit, que parce que Pharnace y gagnoit, cela ne fit pas un grand changement en ſon eſprit. Je ne me trouvay pas meſme en eſtat de conſoler la Princeſſe, car ma Mere mourut en ce temps là : & par un ſentiment d’amour pour ſa Patrie : & par un deſir ardent que les intentions de la Reine ſa Maiſtresse fuſſent accomplies, elle me commanda ſi abſolument de ſervir touſjours autant que je le pourrois toute la Maiſon d’Arſamone, & en particulier Spitridate, que je m’y trouvay encore plus engagée qu’auparavant : ce que je pûs faire d’autant plus facilement, que l’on ne donna point d’autre Gouvernante à la Princeſſe. Cependant le nouveau Roy de Pont qui regne aujourd’huy, ou pour mieux dire qui ne regne plus, eſtoit en chemin pour revenir à Heraclée (où l’on avoit rendu aux deux Princes morts, tous les honneurs qui eſtoient deûs à leur condition) & ce fut pendant ce voyage, qu’il apprit la mort du Roy ſon Pere, & celle du Prince Sinneſis.

En ce temps là nous sçeuſmes que le Traité de Paix avoit eſté executé : qu’Arſamone eſtoit ſorti de Chalcedoine, & eſtoit allé à Chriſopolis : & qu’ainſi Spitridate avoit changé de priſon. Quinze ou vingt jours ſe paſſerent de cette ſorte, pendant quoy les Habitans d’Heraclée ſe preparoient à recevoir leur nouveau Roy, le plus magnifiquement qu’ils pouvoient : mais il vint un ordre de luy, par lequel il defendoit qu’on luy fiſt aucune ceremonie : ne voulant pas ſi toſt meſler la joye à la douleur. La Princeſſe eſtant donc dans une melancolie eſtrange ; & ne faiſant autre choſe que prier les Dieux, & ſe pleindre en ſecret auſſi ſouvent qu’elle le pouvoit faire : je l’obligeay malgré qu’elle en euſt, à deſcendre un ſoir