Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/421

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en pleignant auſſi les ſiens ? Vous pouvez penſer. Seigneur, quelle fut la ſurprise de la Princeſſe & de moy, d’entendre une voix que nous ne pouvions meſconnoistre : elle fat ſi grande, que la Princeſſe en fit un cry ſi haut, que quelques unes de ſes Filles vinrent dans l’Allée où nous eſtions, croyant qu’elle les appelloit. Mais m’eſtant promptement avancée, je leur dis qu’elle ne vouloit rien : & que c’eſtoit ſeulement un redoublement de douleur qui luy avoit pris, en parlant à un homme qui luy venoit demander une grace aupres du nouveau Roy. En ſuite de cela m’eſtant raproché de la Princeſſe, j’entendis que Spitridate voyant qu’elle ne luy reſpondoit preſques que par des larmes, continuoit de luy parler. Je ſuis au deſespoir Madame, luy diſoit il, de renouveller toutes vos douleurs : & de voir que ma preſence au lieu de vous conſoler vous afflige. Je vous demande pardon, luy dit elle, de vous recevoir ſi mal : Mais Spitridate, ma foibleſſe a une cauſe ſi legitime, que vous la de uez excuſer. Le Prince Sinneſis mon Frere vous aimoit avec tant de tendreſſe, que je n’ay pû vous voir ſans un renouvellement de douleur que je n’ay pû empeſcher de paroiſtre : & tant de choſes differentes m’ont paſſé dans l’eſprit en un moment, qu’il n’eſt pas eſtrange que ma raiſon en ſoit un peu en deſordre. Car enfin le ſouvenir du paſſé ; la crainte de l’advenir ; & la ſurprise de voir aupres de moy une Perſonne que je croyois en priſon ; ſont ce me ſemble d’aſſez legitimes cauſes du trouble qu’on voit en mon ame. J’avois eſperé, Madame, luy dit Spitridate, que cette derniere advanture vous ſurprendroit ſans vous affliger : auſſi a t’elle fait, reſpondit elle, mais elle ne me reſjoüit