Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/423

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quelle doit eſtre ma vie. Pleuſt aux Dieux, repliqua la Princeſſe en ſouspirant, que je puſſe la rendre heureuſe : mais Spitridate, la Fortune eſt plus puiſſante que moy : & j’ay bien peur qu’elle n’y veüille pas conſentir. Pourveu que vous y conſentiez, reſpondit il, je ne penſe pas qu’elle puiſſe m’empeſcher d’eſtre heureux : Je ſouhaitte, repliqua t’elle, que ce que vous dittes ſoit vray ; mais ma raiſon ne me montre pas les choſes comme vous les voyez. Cependant Spitridate, quoy que je ne puiſſe nier que je ne reçoive quelque conſolation à pleurer aveques vous : neantmoins je tremble de vous voir à Heraclée. Car enfin le Roy mon Frere doit arriver icy dans peu de jours : & s’il vient à sçavoir que vous y ayez eſté déguiſé, que ne penſera t’il point, & que ne devra t’il point penſer ? Quoy, Madame, inter rompit Spitridate, à vous entendre parler, il ſemble que vous veüilliez deſja me chaſſer d’aupres de vous ! puiſque vous dittes que le Roy viendra bientoſt, & qu’il sçaura peut-eſtre que j’auray eſté icy. Ha Madame, ne me traitez pas ſi cruellement : je ſuis logé en un lieu tres ſeur : & comme je n’ay rien à faire à Heraclée qu’à vous voir, il n’eſt pas aiſé que je ſois deſcouvert. Il l’eſt encore bien moins, reſpondit elle, que je puiſſe expoſer ma reputation & voſtre vie, par des entreveuës qui quoy que tres innocentes, pourroient eſtre creuës tres criminelles. Il eſt meſme deſja ſi tard, reprit elle, qu’il n’eſt pas poſſible que l’on ne trouve quelque choſe d’eſtrange, à voir qu’une Perſonne affligée ſe promene ſi long temps : c’eſt pourquoy Spitridate, dit elle en ſe levant, il faut vous quitter. Ce ne ſera pas du moins. Madame, luy reſpondit ce Prince, ſans me faire l’honneur de me promettre de me donner une autre occaſion de vous entretenir : je