Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/438

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

du feu Roy ſon Pere, & en ſuitte du feu Roy ſon Frere : mais qu’apres tout, comme il y alloit de ſon Eſtat, & du repos de tous ſes Peuples, il l’avoit neceſſairement falu faire. Qu’au reſte il ne la ſoubçonnoit point, d’avoir aucune part à la conjuration de Spitridate, qui aſſurément l’avoit trompée la premiere : & luy avoit voulu perſuader, que l’amour toute ſeule faiſoit ſon deſguisément, quoy qu’en effet ce fuſt ſon ambition. Seigneur, luy dit elle, ſi l’affection que Spitridate a teſmoigné avoir pour moy, n’avoit pas eſté authoriſée comme vous dittes par le feu Roy mon Pere, & par le Prince Sinneſis mon Frere, je ne vous parlerois pas comme je m’en vay vous parler : mais puis que cela eſt ainſi, je vous ſuplieray, Seigneur, de croire que ce Prince n’a jamais eu deſſein de remonter au Throſne en vous en renverſant : car s’il euſt eſté capable d’une pareille choſe, il n’euſt pas eſté ſi longtemps priſonnier du Prince ſon Pere. Ainſi j’advoüe ſans ſcrupule que je l’ay veû, parce que ce n’eſt pas par mes ordres qu’il eſt venu à Heraclée : & que de plus je sçay avec certitude, qu’il n’y eſt pas entré avec intention de conjurer ny contre voſtre Perſonne, ny contre voſtre Eſtat. Car ſi je l’en pouvois ſeulement ſoubçonner, je l’accuſerois au lieu de le deffendre : & ne vous en parlerois jamais, que pour vous obliger à la punir. Ma Sœur, luy dit le Roy en l’interrompant, je ne cherche pas la juſtification de Spitridate : mais je veux ſeulement vous faire connoiſtre que je ſonge à la voſtre autant que je le puis. Au reſte, comme vous eſtes raiſonnable & genereuſe, je ne croy pas que vous aimiez plus Spitridate, que la gloire de la Maiſon dont vous eſtes : c’eſt pourquoy il ne faut pas que vous trouviez eſtrange, ſi ce Prince eſtant criminel n’eſt pas traitté avec la meſme