Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/439

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indulgence que j’aurois peut-eſtre pour un autre. Car enfin il eſt d’une Race qu’il faut abaiſſer : ſi on ne veut qu’elle opprime ceux dont elle ſe pleint d’avoir eſté opprimée : Ainſi ma Sœur, le moins que je doive faire, eſt de tenir Spitridate en une priſon perpetuelle. Si je le croyois innocent, pourſuivit il, toute ma Politique ne pourroit pas m’obliger à cette rigueur : mais puis qu’il paroiſt criminel, il faut que la choſe aille ainſi. Touteſfois pour vous conſoler, adjouſta t’il, de la per te d’un Prince qui a ſans doute de bonnes qualitez, je vous conjure de vouloir eſpouser Pharnace : Ha Seigneur, luy dit elle, ne me parlez s’il vous plaiſt point de Nopces, ſi toſt apres les Funerailles du Roy mon Pere : & ne me forcez pas à deſobeïr au commandement que m’a fait en mourant le feu Roy mon Frere. Et que vous a t’il commandé ? repliqua t’il ; Il m’a ordonné, dit elle en rougiſſant, de ne changer point les ſentimens qu’il avoit voulu que j’euſſe pour Spitridate. Quand il vous parla de cette ſorte, reprit le Roy, il ne prevoyoit pas que Spitridate ſeroit criminel d’Eſtat : Ha Seigneur, dit elle, Spitridate eſt tres innocent : mais ſans m’opiniaſtrer à vouloir que vous executiez les dernieres volontez du Prince Sinneſis : ne me contraignez pas auſſi à vous deſobeïr, en me commandant d’eſpouser Pharnace. Ce n’eſt pas qu’il ne ſoit digne de toutes choſes : mais c’eſt qu’il doit ce me ſemble ſuffire, que je me prive de ce que l’on m’avoit ordonné d’aimer : ſans me vouloir contraindre de ſouffrir l’affection d’un homme que je n’aime pas : & pour qui j’auray touſjours beaucoup d’eſtime, & pourtant beaucoup d’indifference. La Princeſſe croyoit que le Roy luy parleroit fort aigrement, apres une declaration ſi ingenuë :