Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/441

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de corde, comme ſi Spitridate ſe fuſt ſauvé par cét endroit ; & ſans que perſonne s’en aperçeuſt, le Capitaine de cette Tour enferma ce Prince & les deux Gardes ſubornez en un lieu fort ſecret : feignant apres cela de faire bien l’empreſſé. Il de mande où eſt Spitridate ? on luy dit qu’il eſt ſur la Terraſſe : il y va avec pluſieurs Soldats ; & ne l’y trouvant point, il trouve l’Eſchelle qu’il y avoit fait mettre luy meſme ; il la monſtre à ceux qui le ſuivoient : dit qu’aſſurément leurs compagnons ont trahy : & qu’il eſt ſans doute venu un Eſquif les prendre au pied de cette Eſchelle, de plus grands Vaiſſeaux n’en pouvant pas approcher. Il menace meſme ceux qui ſont en ſa preſence ; les accuſe auſſi bien que les autres qui ſe ſont ſauvez ; & tout tranſporté de fureur en aparence, il va trouver le Roy pour l’advertir de ce qui eſt arrivé. Il luy dit que certainement on reprendra Spitridate, ſi l’on envoye promptement apres luy : qu’il y a lieu de croire qu’il n’aura pas mis pied à terre proche d’Heraclée : & qu’ainſi infailliblement ſi l’on met pluſieurs dans une Chaloupe, on reprendra ce Priſonnier & ſes complices. Enfin il joüa ſi bien, que le Roy meſme fut trompé, & commanda non ſeulement que l’on miſt pluſieurs Barques en Mer : mais il ordonna encore que l’on priſt garde aux Portes de la Ville, pour voir ſi Spitridate n’y rentreroit point déguiſé : ne jugeant pas qu’il peuſt entreprendre de ſe mettre en pleine Mer dans un Eſquif ; & nul Vaiſſeau conſiderable ne manquant au Port, où il en fit faire recherche. De plus comme Pharnace & Artane sçavoient bien quelle eſtoit ſa paſſion pour la Princeſſe, ils perſuaderent encore au Roy, qu’aſſeurément il ſeroit rentré dans Heraclée en habit de Peſcheur,