Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/440

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mais la paſſion qu’il avoit dans l’ame, luy ayant ſans doute apris à excuſer en autruy, la foibleſſe qu’il ſentoit en luy meſme, fit qu’il la quitta ſans luy dire rien de faſcheux : demeurant pourtant toujours dans les termes de ſouhaitter qu’elle eſpousast Pharnace : & luy diſant qu’elle changeroit d’avis avec le temps. L’amour de Mandane occupant l’ame de ce Prince, fut cauſe qu’il ne ſongea pas tant à Spitridate : car il ne penſa durant quelques jours, qu’à envoyer demander la Princeſſe Mandane à Ciaxare : & qu’à donner les ordres neceſſaires, afin que cette Ambaſſade fuſt magnifique.

Ce pendant la Princeſſe prevoyant bien que Spitridate ne ſortiroit jamais de priſon, que par la force ou par l’adreſſe, ſe reſolut de le delivrer ; & elle s’y porta d’autant pluſtost, que celuy qui commandoit dans la Tour où il eſtoit m’avoit une obligation extréme : car durant le regne du feu Roy, j’avois ſauvé la vie à un de ſes Enfans, qui s’eſtoit engagé dans quelque crime : ce Prince luy ayant pardonné à ma conſideration. Je fus donc employée à negocier cette affaire importante, que je conduiſis ſi heureuſement durant quinze jours, que j’obligeay enfin cét homme par le ſouvenir de ce qu’il me devoit ; par des bienfaits preſens ; & par de grandes eſperances de l’avenir, à ſe re foudre de chercher les voyes de delivrer Spitridate ſans en eſtre ſoubçonné. Comme cette Tour donne ſur la Mer, & qu’il y a une Terraſſe qui y eſt attachée, dont le bout eſt battu des vagues, il fit demander au nom de ce Priſonnier, la permiſſion de s’y promener une heure ou deux tous les jours, ce qui luy fut accordé. De ſorte que gagnant deux Gardes qui l’y accompagnoient, ils attacherent au haut de cette Terraſſe une Eſchelle