Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/451

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de prendre un remede ſi effrange que celuy là Mais enfin, Madame, luy dit il avec une douleur extréme, vous n’aimerez jamais le malheureux Pharnace, & vous n’abandonnerez jamais le trop heureux Spitridate ? Je l’avouë, luy dit elle, avec beau coup d’ingenuité, parce que je le puis avec beau coup d’innocence. Cela ſuffit, Madame, repli qua t’il avec une triſtesse effrange, cependant faites moy la grace de croire que voicy la derniere fois de ma vie que je vous importuneray : & veüillent les Dieux que la nouvelle de ma mort vous faſſe du moins connoiſtre, que je pouvois diſputer à Spitridate, la gloire de vous aimer parfaitement. Apres cela il quitta la Princeſſe : mais d’une maniere ſi touchante, que l’on peut dire qu’il avoit deſja dans les yeux toutes les horreurs du Tombeau : tant il eſt vray que le viſage luy changea en luy diſant adieu. Auſſi la Princeſſe en eut elle quelque ſentiment de pitié :

cependant nous demeuraſmes à Heraclée, à prier les Dieux contre vous, Seigneur : car nous avons sçeu que vous fuſtes à cette guerre, dés la premiere occaſion qui ſe preſenta : & qu’il parut bien que nous n’avions pas grand credit au Ciel, car vous ſauvastes la vie de Ciaxare ; vous vainquites ; vous triomphaſtes ; & vous fiſtes des choſes ſi merveilleuſes, qu’encore qu’elles fuſſent à noſtre deſavantage, nous ne laiſſions pas de les admirer, lors qu’on nous les recitoit. Je paſſe donc legerement tout le commencement de cette guerre : pour vous dire en peu de mots, que quand l’on eut reſolu le combat des deux cents contre deux cents, & qu’il fut queſtion d’en faire le choix, il y eut une grande conteſtation parmi tous les Braves de noſtre Armées & quoy qu’Artane ne le fuſt pas, il fit