Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/450

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depuis quelque temps, n’a pas deſtruit dans mon ame la veritable eſtime que tout le monde doit faire de voſtre merite : je veux bien contribuer à voſtre liberté autant qu’il ſera en mon pouvoir : & vous obliger par ma ſincerité, à faire un grand effort ſur voſtre eſprit, pour vous mettre en repos, & pour m’y laiſſer. Sçachez donc Pharnace, qu’ayant eſté obligée de ſouffrir l’affection de Spitridate, par le commandement du feu Roy mon pere, & de l’illuſtre Sinneſis mon Frere, je ne puis jamais manquer à leur obeïr : & les commandemens les plus abſolus d’un Roy vivant, ne me feront point faillir à executer ceux de deux Rois morts. Je n’eſpouseray pas Spitridate ſans le conſentement du Roy mon Frere : mais je n’eſpouseray du moins jamais nul autre que luy. Ainſi Pharnace, reglez vos deſſeins ſur ce que je dis : & ſervez vous de ce grand courage que les Dieux vous ont donné, à vaincre un malheur qui n’a ce me ſemble pas beſoin de toute la force de voſtre eſprit pour eſtre ſurmonté. Vivez donc Pharnace, vivez : mais vivez en liberté, afin de pouvoir vivre heureux. Cependant comme la perte que le Roy feroit de vous, ſeroit une perte irreparable : je vous prie autant que je le puis, de conſerver voſtre vie : qui ne ſera pas meſme inutile à la ſatisfaction de la mienne, ſi vous pouvez obtenir de vous, de n’avoir plus que de l’eſtime pour moy. Mais ſi je ne le puis. Madame, reprit il, ne trouverez vous pas plus raiſonnable que la mort me delivre de ma ſervitude qui vous déplaiſt, que de me voir eternellement languir à vos pieds & vous déplaire ? La mort, luy dit elle, eſt une choſe ſi terrible, qu’elle ne me plaiſt pas meſme en la perſonne de mes Ennemis : c’eſt pour quoy je n’ay garde de vous conſeiller