Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/456

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nous en avions pour vous : & lors que l’on nous racontoit toutes vos merveilleuſes actions, nous trouvions avoir ſujet de, croire que les Dieux favoriſoient extrémement Ciaxare, de luy avoir envoyé un tel Deffenſeur. Enfin on ne peut pas avoir plus d’eſtime pour un Ennemy, que nous en avions pour l’illuſtre Artamene : auſſi quand la Princeſſe sçeut qu’Artane avoit conjuré contre voſtre vie, & ſuborné quatre Chevaliers pour vous perdre, elle conçeut une nouvelle averſion contre luy : mais ſi forte, que ſon nom ſeulement luy faiſoit horreur. Car comme elle avoit deſja sçeu que vous aviez ſauvé la vie du Roy ſon Frere, elle s’intereſſoit beaucoup à voſtre conſervation : & quand vous renvoyaſtes Artane, apres luy avoir pardonné : elle murmura un peu (en vous admirant touteſfois) contre cette exceſſive generoſité, qui vous obligea à demander au Roy de Pont qu’il ne le puniſt pas : mais du moins fit elle en ſorte aupres de luy, qu’il fut exilé du Royaume, avec deffence d’y paroiſtre jamais. Depuis cela. Seigneur, juſques à cette fameuſe journée où vous fiſtes le Roy de Pont priſonnier, & où l’on vous creut mort, je n’ay plus rien à vous dire : ſi je ne voulois vous entretenir de la douleur qu’eut la Princeſſe pour la diſgrace du Roy ſon Frere : & des pleintes qu’elle faiſoit, du long ſilence de Spitridate. Mais comme ce ſeroit abuſer de voſtre loiſir, & qu’il vous eſt aiſé de vous imaginer, combien impatiemment elle le ſuportoit : je vous diray ſeulement, que le lendemain que vous arrivaſtes bleſſé à ce Chaſteau d’où la Princeſſe Arbiane & la Princeſſe Ariſtée n’avoient pû partir, tant voſtre prompte arrivée avoit ſurpris toute la Bithinie : il vint un Envoyé du