Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/455

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e quelque temps apres, nous appriſmes la mauvaiſe action d’Artane : nous pleigniſmes la perte du premier, & deteſtasmes la laſcheté de l’autre : mais de telle ſorte, que de puis le combat que vous fiſtes apres contre luy, pour luy faire avoüer ſon menſonge : il n’oſa plus ſe montrer ny à l’Armée, ny à la Princeſſe, ny à Heraclée : & il s’alla cacher durant quelque temps à la campagne, où il conſerva une haine eſtrange pour vous : non ſeulement parce que vous l’aviez couvert de honte, mais encore parce qu’il avoit remarqué en vous voyant, que Spitridate vous reſſembloit. La Lettre du malheureux Pharnace, fit ſans doute plus d’effet dans le cœur de la Princeſſe, lors qu’elle la reçeut, qu’il n’en avoit attendu ; car comme elle a l’ame tendre & pitoyable, elle ne la pût lire ſans avoir les larmes aux yeux : & de la façon dont je la vy durant un quart d’heure, je penſe que ſi cét illuſtre Mort l’euſt pû voir, il en ſeroit reſſuscité : & que ſi Spitridate l’euſt veuë, il en ſeroit mort de jalouſie, quoy qu’elle euſt eſté mal fondée. Cependant nous ne recevions plus de nouvelles de ce prince exilé : & tout ce que la Princeſſe pouvoit faire pour ſe conſoler, eſtoit d’entretenir un commerce ſecret avec la Princeſſe Ariſtée : & de luy rendre tous les bons offices qu’elle pouvoit. Le Roy fut ſi ſensiblement touché de la mort de Pharnace, qu’on ne peut pas l’eſtre davantage : neantmoins comme l’amour de la Princeſſe Mandane eſtoit plus forte que toutes choſes dans ſon cœur, il s’en conſola : & cette pretenduë paix que voſtre victoire avoit aparemment eſtablie eſtant rompuë, la guerre, comme vous le sçavez, recommença plus qu’auparavant. Je ſuis obligée, Seigneur, de vous dire que l’on ne peut pas avoir plus d’admiration pour perſonne, que