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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/460

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encore, que celuy de tous les hommes pour qui elle avoit le plus de mépris & le plus d’averſion, formoit un party conſiderable, quelque peu d’eſtime qu’il euſt : elle n’avoit ny Troupes, ny argent pour en lever : elle ne sçavoit meſme à qui ſe fier, tant toutes choſes eſtoient broüillées : & en ce pitoyable eſtat, elle ne sçavoit non plus ſi elle devoit eſtre bien aiſe ou bien affligée de l’abſence de Spitridate. Car elle jugeoit bien, qu’il n’euſt pas deû combatre pour elle contre ſon Pere : & elle n’euſt pas voulu auſſi, qu’il euſt combatu pour ſon Pere contre elle. Ainſi ne sçachant ny que ſouhaiter n’y que faire, elle prioit les Dieux de la delivrer de tant de malheurs qui l’accabloient. Mais enfin, Seigneur, voſtre generoſité n’ayant pas trompé ſon eſperance, & vous ayant fait delivrer le Roy de Pont, à qui vous fiſtes meſme donner des Troupes, ſous la conduite d’Artaxe, nous en reçeuſmes la nouvelle avec une extréme joye : & en effet, il ſembla que le Peuple d’Heraclée reprit quelque cœur, en aprenant que ſon Prince eſtoit delivré, d’une façon ſi genereuſe. L’on en fit une reſjoüiſſance publique : & le glorieux Nom d’Artamene, fut auſſi celebre dans Heraclée, qu’il l’eſtoit à Sinope ou à Themiſcire. La Princeſſe sçachant donc que le Roy approchoit, voulut aller au devant de luy : & comme nous sçavions bien que du coſté qu’il venoit, il n’y avoit point de Troupes d’Arſamone, nous fuſmes deux journées au devant de ce Prince. Mais pour noſtre mal heur, nous trouvaſmes une embuſcade ſi bien dreſſée dans une Foreſt, que nous tombaſmes preſque ſans reſistance, entre les mains de ceux qui nous attendoient, & l’on nous mena par une route deſtournée, que nous ne connoiſſions