Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/464

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voyant que ſes Ennemis avoient emporté non ſeulement tous les Dehors de la Ville, mais que meſme ils s’eſtoient rendus Maiſtres d’une des portes, & qu’ils n’avoient plus rien à faire pour le tenir en leur puiſſance, qu’à le forcer dans le dernier Retranchement qu’il avoit fait : & ne pouvant de reſoudre à tomber vivant entre les mains d’Arſamone, il prit la reſolution de s’enfuir dans un Vaiſſeau : & d’aller offrir ſon Eſpée à Ciaxare, pour delivrer la Princeſſe Mandane, de qui il avoit apris l’enlevement, avec une douleur inconcevable : eſperant qu’apres cela, vous luy aide riez à recouvrer ſon Eſtat. Et en effet, ce mal heureux Prince, executa une partie de ſon deſſein : car il ſortit d’Heraclée, ne luy demeurant plus rien de deux beaux Royaumes, que la ſeule qualité de Roy, que la Fortune ne luy pouvoit oſter. Quand la Princeſſe reçeut cette triſte nouvelle, elle en eut une douleur eſtrange : & elle l’aprit meſme d’une maniere ſi cruelle, qu’on ne peut rien imaginer de plus inſupportable. Car, Seigneur, il faut que vous sçachiez, que l’inſolent Artane prenant une nouvelle hardieſſe par ce nouveau malheur, la vint trouver avec une incivilité que nous ne luy avions point encore veuë. Madame, luy dit il, comme il m’a touſjours ſemblé qu’une des plus fortes raiſons qui vous a obligée à me traiter auſſi imperieuſement que vous avez fait, eſtoit parce que j’eſtois Sujet du Roy voſtre Frere : j’ay creû qu’il eſtoit à propos de vous faire sçavoir qu’il ne peut plus jamais eſtre mon Maiſtre : puis que la Fortune luy a oſté la Couronne, & que de deux Royaumes qu’il poſſedoit, il ne luy reſte plus qu’un ſeul Vaiſſeau, avec lequel il s’eſt deſrobé à ſes Ennemis. C’eſt pourquoy, Madame, ceſſant aujourd’