Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/465

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huy d’eſtre Sœur de Roy, ne regardez s’il vous plaiſt plus ma condition comme eſtant inferieure à la voſtre : & agiſſez autrement d’oreſnavant que vous n’avez agy par le paſſé. Comme vous n’avez que le cœur d’un Eſclave, reprit la Princeſſe, je vous ferois encore trop d’honneur, de vous conſiderer comme un ſimple Sujet du Roy mon Frere : c’eſt pourquoy quand il ſera vray que la Fortune luy aura oſté la Couronne, comme elle ne sçauroit faire que ſa Naiſſance ne ſoit touſjours beaucoup au deſſus de la voſtre, elle ne fera pas auſſi que je change de ſentimens pour vous. Et quand vous auriez encore plus de Couronnes que le Roy mon Frere n’en a perdu, je vous meſpriserois ſur le Throſne comme je fais : & à moins que de changer abſolument voſtre ame (ce qui ne vous eſt pas poſſible) vous ne me verrez jamais changer. C’eſt pourquoy, Artane, ſongez mieux à ce que vous dittes : & ſouvenez vous à tous les moments, que mes Peres ont touſjours eſté les Maiſtres des voſtres : que j’ay eu l’honneur d’eſtre Fille où Sœur de trois Princes, de qui je vous ay veû Sujet ; & que vous eſtes nay enfin, avec une indiſpensable obligation de me reſpecter toute voſtre vie. La Princeſſe prononça ces paroles avec une colere ſi majeſtueuse, qu’elle luy fit changer de couleur : & le força meſme de luy faire quelque mauvaiſe excuſe de ſon inſolence, & de la laiſſer en liberté de pleindre la diſgrace du Roy ſon Frere : que nous apriſmes plus particulierement, par ce Garde qui nous eſtoit ſi fidelle. Helas, diſoit elle, Heſionide, quel déplorable deſtin eſt le mien, & à quelle cruelle advanture ſuis-je expoſée ? Je ſuis née ſur le Throſne, & je ſuis Eſclave : & Eſclave encore du plus indigne d’entre tous les