Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/476

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pour la commodité de ſes voyages, luy avoit dit que cét homme eſtoit Perſan, & qu’il le prenoit pour eſtre fils de ſon Roy, que des Marchands avoient pourtant aſſuré avoir veû noyer à Chalcedoine. Spitridate entendant cela, luy fit dire par ce meſme Interprete, qu’il n’eſtoit point Perſan : qu’il eſtoit vray qu’il avoit penſé eſtre noyé à Chalcedoine, mais que pourtant aſſurément il s’abuſoit : & qu’il n’eſtoit point ce qu’il penſoit qu’il fuſt. Mais plus il faiſoit parler ce Truchement, plus ce Perſan s’imaginoit que c’eſtoit une feinte, & qu’il ne laiſſoit pas d’entendre ce qu’il diſoit. En fin. Seigneur, il preſſa & pria ſi inſtamment Spitridate de luy avoüer une verité qu’il ne sçavoit pas ; que s’en trouvant importuné il le laiſſa. Mais cét homme eſtant allé trouver les Magiſtrats de la Ville où ils eſtoient, il leur dit que le Roy ſon Maiſtre avoit perdu l’unique heritier de ſes Eſtats : qui par quelques raiſons cachées, ne vouloit point ſans doute retourner en ſon Païs. Qu’il l’avoit rencontré par haſard ; qu’il eſtoit dans leur Ville, & preſt à ſe rembarquer. Qu’il les conjuroit donc de l’arreſter, & de le renvoyer au Roy ſon Pere : de ſorte que ces Magiſtrats voyant un homme dont la phiſionomie eſtoit fort ſage, & qui de plus avoit fait connoiſſance avec les plus sçavans de leur Ville : envoyerent ordre en effet d’arreſter Spitridate, comme eſtant Fils du Roy de Perſe : & de le traitter pourtant avec tout le reſpect qu’on devoit à une Perſonne de cette condition. Je vous laiſſe à penſer ſi ce Prince fut ſurpris : il fit tout ce qu’il pût pour deſabuser ces gens là : mais plus il parloit, plus le Mage Perſan s’obſtinoit à ſoutenir qu’il eſtoit Cyrus. Enfin ces Magiſtrats envoyerent à leur Prince, & Spitridate, & le Mage : & ce Prince apres les avoir entendus tous deux, reſolut, de peur de faire une faute, de les envoyer l’un & l’autre au Roy de Perſe. Neantmoins dans le doute où il eſtoit, il ne fit pas la meſme deſpense qu’il euſt faite, s’il euſt creû qu’effectivement Spitridate euſt eſté Cyrus : tant y a, Seigneur, qu’il choiſit un homme d’eſprit & de qualité dans ſa Cour, pour luy donner cette commiſſion : & il les fit partir de cette ſorte, avec un aſſez bon nombre de ſoldats, quoy que Spitridate peuſt dire. Je ne m’amuſeray point à