Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/482

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par Spitridate meſme. Cependant à trois jours de là, les Medecins dirent à Arſamone, que ſon mal eſtoit ſans peril, mais qu’il ſeroit aſſez long : de ſorte que ne voulant pas perdre temps, il donna ordre à Spitridate de ſe preparer à partir pour aller aſſieger Artane : ordonnant touteſfois à un de ſes Lieutenans Generaux, d’obſerver ce Prince d’aſſez prés. Ainſi Arſamone fut reporté à Heraclée, où la Reine & la Princeſſe ſa Fille l’accompagnerent : car pour la Prince Iſtrine, elle y eſtoit demeurée, pour quelque incommodité : & Spitridate partit & prit la route de Cabira, le Prince Intapherne eſtant ſon premier Lieutenant General, avec lequel il lia une amitié fort eſtroite.

Je vous laiſſe donc à penſer, quelle ſurprise fut la noſtre, lors que nous sçeuſmes par noſtre fidelle Garde, qu’il eſtoit arrivé un Chevalier à Heraclée, avec l’Eſcu dont je vous ay parlé : que nous apriſmes en ſuitte que ce Chevalier eſtoit Spitridate : & que ce Prince avoit eſté ſi bien reçeu du Roy ſon Pere, qu’il l’avoit fait General de ſon Armée. Elle fut ſi grande, Seigneur, que nous fuſmes tres longtemps ſans pouvoir teſmoigner noſtre eſtonnement par des paroles : la joye de sçavoir que Spitridate n’eſtoit pas mort, & l’incertitude du deſſein qu’il avoit en venant contre Artane, occupoient ſi fort l’ame de la Princeſſe Araminte, & la partageoient de telle ſorte, qu’elle ne pouvoit ſe déterminer ny à s’affliger, ny à ſe réjoüir. Quoy qu’il en ſoit, Madame (luy dis-je, lors qu’elle commença de ſe pleindre) je ne puis que je ne ſois bien aiſe de sçavoir que Spitridate eſt vivant : je ſuis dans les meſmes ſentimens, reprit elle, mais cela n’empeſche pas que mon ame ne ſoit en inquietude : Car enfin Arſamone